Son candidat à la réélection à la présidence de la République, Emmanuel Macron, entend reprendre certaines des mesures qu’il avait présentées en 2017, mais qu’il n’a pas pu mettre en œuvre en raison de la crise du Covid. Mais à quoi ressemble réellement le programme économique de son adversaire Marine Le Pen, candidate du Rassemblement national ?
Pouvoir d’achat, environnement, énergie, endettement… Ouest-France a passé en revue ses principales mesures et leur impact potentiel, rassemblant les explications du candidat, mais aussi les avis d’économistes de différents pays.
Patriotisme économique à tout prix
Alors que la crise du Covid et la guerre en Ukraine montrent la forte dépendance de la France vis-à-vis des produits ou matières premières produits à l’étranger voire à l’autre bout du monde, Marin Le Pen a déclaré dans son émission qu’il souhaitait “introduire le patriotisme économique pour se réindustrialiser et produire de la richesse”. en France. Mais elle « protège aussi notre économie de la concurrence déloyale et remet en cause les accords de libre-échange qui ne respectent pas les intérêts de la France ».
Bouger, “pourquoi pas”, a déclaré Thierry Pesch, PDG du groupe de réflexion Terra Nova – qui se dit “progressiste et indépendant” – interrogé par Ouest-France. “Mais ensuite, il faut supposer que cela conduira à l’inflation, car le prix des services et des produits fabriqués en France sera plus élevé.” En fin de compte, “soit le consommateur, soit le contribuable” en paiera le prix, a-t-il souligné.
Ne peut-on adresser la même réserve à Emmanuel Macron, qui a mis la délocalisation au cœur de son “plan de relance” lancé en 2020 et du plan d’investissement “France 2030”, dévoilé en octobre 2021 ? Pas pour Thierry Pesch, car “au lieu de créer des règles communes spectaculaires et démagogiques, il faut choisir les activités que l’on juge stratégiques et qu’il faut absolument déplacer”.
Quant à la mise en place d’une “priorité nationale d’accès au logement social et à l’emploi” voulue par Marine Le Pen, elle est “impossible” et ne permettrait pas du tout à la France de récolter des milliards d’euros, estime l’économiste de Ouest-France Henri Sterdinyak. du mouvement des économistes terrifiés, classés à gauche. “Et sur le plan moral, totalement inacceptable. »
Baisse des prix de l’énergie sans ciblage
Face à l’inflation des prix, Marine Le Pen annonce des solutions. “J’ai fait du pouvoir d’achat l’une des priorités absolues de ma campagne avec vingt-deux mesures sur ce sujet dans mon programme. Dès septembre, j’avais proposé une baisse de la TVA sur les prix de l’énergie (carburant, gaz, électricité, fioul) de 20% à 5,5%. Si l’inflation est plus élevée au regard des prévisions de croissance, je déclenche la suppression de la TVA sur un panier de 100 produits de première nécessité – alimentation et hygiène – pour alléger le pouvoir d’achat des plus modestes”, déclarait-elle fin mars dans un entretien à Ouest- France.
Problème, “l’exemple de la baisse de la TVA sur la restauration il y a quelques années a montré qu’elle peut simplement augmenter les marges des entreprises concernées”, rappelle Thierry Pesch.
Si celle-ci parvient encore à s’appliquer dans le secteur de l’énergie, elle priverait l’État d’importantes recettes fiscales et profiterait indistinctement à ceux qui n’ont pas de problème de pouvoir d’achat et à ceux qui peinent à joindre les deux bouts. Cependant, la même critique peut être adressée à la hausse du carburant instaurée le 1er avril 2022 ou au “bouclier tarifaire” pour le gaz à partir de l’automne 2021 par le gouvernement actuel.
Selon Henri Sterdinyak, “il faut malheureusement souffrir, mais il faut faire la transition écologique. Nous devons augmenter les prix des produits énergétiques afin de financer la rénovation des maisons et redonner aux plus pauvres ou à ceux qui conduisent de petites voitures et qui en ont vraiment besoin pour travailler comme infirmiers. »
Protéger les jeunes, riches ou pauvres
La protection de la jeunesse est l’une des priorités affichées de Marine Le Pen. Elle propose donc d’exonérer de l’impôt sur le revenu tous les jeunes actifs jusqu’à 30 ans pour qu’ils puissent rester en France et y fonder une famille, et de supprimer l’impôt sur les sociétés pour les entrepreneurs de moins de 30 ans les cinq premières années afin d’éviter aller à l’étranger. “
Ce serait contraire au “principe de base de la fiscalité : chacun doit payer selon sa capacité contributive”, rappelle Henri Sterdiniak. Si un jeune de 25 ans n’a pas de revenus, il faut l’aider, alors qu’on ne peut pas dire à un jeune qui travaille comme consultant qui gagne un revenu important, même s’il a 28 ans : vous ne payez pas d’impôts. »
D’autant que le revenu moyen des 18-25 ans (7490 euros par an) est si faible que la grande majorité d’entre eux n’y sont pas soumis. Quant aux personnes âgées de 26 à 30 ans, leur revenu moyen reste faible (16 220 € par an) et les expose à des pressions fiscales très faibles dans la plupart des cas », indique une note de l’institut Terra Nova. “Bref, quand le jeune précaire ne gagne presque rien, le jeune PDG récoltera plusieurs milliers d’euros et l’Etat perdra quelques milliards supplémentaires”, un manque à gagner que Terra Nova estime entre 3,5 et 4 milliards d’euros.
Redonner du pouvoir d’achat… à qui ?
Au lieu de proposer une augmentation du Smic, comme l’ont fait certains candidats du premier tour, Marine Le Pen préférerait “permettre aux entreprises d’augmenter les salaires de 10% (jusqu’à 3 Smic), en exonérant cette augmentation des charges patronales”. Le risque est de créer un effet non voulu, a déclaré Thierry Pesch. “Une augmentation soudaine de 10% des salaires est un effort financier important pour une entreprise”, a-t-il rappelé. Il est probable que seuls ceux qui ont déjà envisagé une telle augmentation de salaire (surtout dans les secteurs qui subissent une forte pression pour embaucher du personnel) utiliseront ce dispositif, car il ne sera pas obligatoire. Cependant, certaines branches ont déjà annoncé des augmentations de salaire importantes, comme les hôtels et les restaurants.
Lire aussi : PODCAST. Faut-il augmenter le salaire minimum et dans quelle mesure ? Deux experts répondent
Attention, car avec cette mesure, comme elle l’a été avec Macron Prime, “à terme, les entreprises ne paient plus de cotisations sociales”, estime Henri Sterdinyak. Mais on en a besoin pour payer les retraites, surtout la retraite de 60 ans que veut Marin Le Pen ! »
Aidant les salariés payant jusqu’à trois fois le Smic, le candidat du Rassemblement national a déclaré : “Cette incitation profitera aussi à la classe moyenne, ce qui me distingue des autres candidats. “Mais parmi les mesures évoquées plus haut et d’autres dans son programme (sur les successions, l’accès à la propriété des jeunes couples, etc.),” ses inquiétudes sont souvent encore plus grandes pour les catégories sociales moyennes ou aisées, y compris lorsqu’il prétend défendre la intérêts du “peuple”, disait la note de Terra Nova.
Mais les retraités et les chômeurs n’ont-ils pas souffert du quinquennat d’Emmanuel Macron en faveur des plus riches ? “En général, la classe ouvrière a aussi gagné”, a déclaré Thierry Pesch. Des études montrent que ce quinquennat présente un solde socio-fiscal positif pour 95 % de la population française. »
À lire aussi : Pouvoir d’achat : qui sont les gagnants et les perdants du quinquennat de Macron ?
Examiner la transition énergétique
La crise énergétique actuelle et le sixième rapport du GIEC nous ramènent de plein fouet à nos responsabilités face au climat et à nos choix énergétiques. « Comment respecterez-vous le calendrier de réduction des émissions de CO2 ? “On a demandé à Marine Le Pen.” “C’est impossible !” avait-elle répondu. Imaginez plutôt un objectif zéro CO2 pour la production d’électricité grâce à un mix énergétique entre nucléaire, hydraulique et hydrogène. “Mais pas celui choisi par Emmanuel Macron avec l’éolien et le solaire, qui fonctionnent en fait”. centrales au charbon et au gaz », a déclaré le candidat.
…
Add Comment