Et quand, en tant que chef de l’opposition officielle, vous devez affronter chaque jour le premier ministre François Lego au parlement, les choses ne s’arrangent pas.
Cette sortie féministe, véritable cri du cœur, vient du chef du Parti libéral du Québec (PLQ), Dominic Anglad, persuadé qu’être une femme est loin des échecs de son parti en chute libre. les sondages et l’attitude du premier ministre à son égard.
C’est un homme paternaliste, c’est sûr, a-t-elle confié à M. Lego lors d’une longue entrevue avec La Presse canadienne dans un café de Québec après une semaine difficile pour son parti. Ainsi, lors des élections partielles dans Marie-Victorine lundi, le PLQ a dû se contenter d’une cinquième place et d’un résultat humiliant de 7 % d’appui populaire.
Mme Anglade n’a pas apprécié le commentaire de M. Legault à la veille de la victoire de son parti dans Marie-Victorin, lorsqu’il a déclaré que les Québécois n’aimaient pas la voir jeter de la boue dans le dossier du CHSLD Herron, qui a tué des dizaines d’adultes dans des conditions terribles lors de la première vague de la pandémie. Nous avons atteint l’égout ! dit alors M. Lego, visiblement agacé par les questions du chef de l’opposition officielle, jour après jour.
Mme Anglade estime que le Premier ministre est allé au-delà des limites et ne lui a pas accordé un traitement équitable des faits. Alors est-ce paternaliste, condescendant, voire sexiste ? Absolument, répond-elle.
Au cours des 20 dernières années, combien de chefs de l’opposition ont été traités de pleurnicheurs ? [on dira] soit « elle est agressive », soit « elle se plaint » au lieu d’être qualifiée de dure ou de déterminée.
Il y a le préjugé, c’est-à-dire le point de vue différent, plus dur et négatif quand il s’agit d’une femme, dit-elle, mais refuse de faire semblant d’être une victime.
Cette attitude la bouleverse beaucoup, d’autant plus qu’elle pense qu’elle est encore capable de se contrôler à l’Assemblée nationale, persuadée qu’on ne lui pardonnera pas la moindre erreur, un mot maladroit, un éclat de colère.
Cependant, il se met parfois en colère lorsqu’il entend certaines pensées du premier ministre, comme lorsqu’il a déclaré à la Chambre des représentants dans un micro fermé en février que le président de l’Assemblée nationale François Paradis était originaire du Québec depuis qu’il était caquiste. Ce jour-là, elle dit avoir proféré quelques jurons, mais ravalé sa colère. Elle a décidé de ne rien admettre aux médias, sûre qu’elle serait hystérique si elle avait exprimé le résultat final. Au moindre coup de gueule, elle sera considérée comme une personne agressive, ce qui l’irrite.
Elle pense que M. Lego traite différemment les hommes et les femmes qui l’entourent. Force est de constater que la serviette est plus facile pour les hommes, a-t-elle dit, faisant allusion aux trois femmes réunies en Conseil des ministres depuis le début du mandat CAQ, à savoir Marie Chantal Chasse, Sylvie D’Amour et Marie-Yves Prue. Aucun homme ministre n’a subi le même sort tandis que certains se sont battus.
Elle cite le cas du ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon, qui a été rejeté à plusieurs reprises par le commissaire à l’éthique mais qui est toujours en poste. Je ne pourrais jamais faire ce qu’a fait Pierre Fitzgibbon et rester ministre, confie cette ancienne ministre de l’Economie dans le cabinet Cuiar, persuadée qu’elle ne passerait pas par là parce qu’on ne permettait pas à une femme politique de se retrouver en eaux troubles.
J’ai beaucoup moins de marge d’erreur qu’un politicien, dit la dirigeante libérale, qui est sûre que les femmes, contrairement aux hommes, n’ont pas de privilèges.
Pour inverser cette tendance, elle soutient qu’il faut faire de la place au leadership politique des femmes et que cela se répand dans tous les horizons.
Le syndrome de la femme parfaite
Conscientes qu’elles n’ont aucune marge de manœuvre, les politiciennes s’efforcent d’être parfaites, a déclaré la chef libérale.
Elle dit souffrir, comme beaucoup d’autres femmes qui ont tenté de s’imposer en politique, du syndrome de celle qui ne doit pas se tromper : ça, je l’ai.
D’où sa prudence dans ses interventions.
Sauf que ce réflexe te limite dans tout ce que tu peux être, dans tout ce que tu peux dire, dans ta façon de t’exprimer. Bref, cela vous empêche d’être ce que vous êtes naturellement.
Elle dit aussi observer une dichotomie entre les personnes [qu’elle est] et la perception qu’en ont les gens. Un écart entre l’image publique et la personne réelle.
Pourtant, ce n’est pas tout à fait normal qu’à chaque fois que je rencontre quelqu’un, le commentaire de la personne soit : “Je ne te voyais pas du tout comme ça”.
Alors que l’échéance électorale approche, elle, qui dirige son parti depuis près de deux ans, entend être beaucoup plus sur le terrain pour présenter aux électeurs le vrai Dominic Anglad.
Les régions ont renoncé massivement au PLQ en 2018. Celui-ci s’est notamment appuyé sur sa Charte des régions pour reconquérir le vote francophone, plaidant pour une décentralisation accrue des pouvoirs. La première annonce à ce sujet sera faite jeudi à Troyes-Riviera.
Le chef libéral dit vouloir revenir aux valeurs fondamentales du parti, dont le développement économique. Sa vision sera d’intégrer le développement économique, la création de richesses et la lutte contre les changements climatiques dans un ensemble cohérent.
Elle est consciente qu’elle n’a que quelques mois pour récupérer. Le défi est énorme, mais passionnant, dit-elle.
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