Editeurs de “Le Monde”. Pendant longtemps, l’Église catholique est apparue comme un frein à l’influence du Front national : plus les électeurs exerçaient, moins ils votaient pour l’extrême droite. Ce n’est plus le cas. Quarante pour cent des catholiques qui se disent pratiquants réguliers (contre 32,4 % de l’ensemble des Français) ont voté pour l’un des trois candidats d’extrême droite au premier tour de l’élection présidentielle, selon un sondage Ifop de La Croix d’avril. dix. Ils étaient même 16% à choisir Eric Zemor, contre 7% en moyenne pour le pays.
Cette radicalisation de l’électorat catholique doit être comparée au mouvement général de déchristianisation de la société. Entraînée dans son noyau solide de croyants, face à la montée de l’islam, l’Église est tentée de se replier dans un message identitaire. C’est comme si la longue période de renouveau progressif et d’ouverture à la société et au monde après l’après-guerre et le Concile Vatican II était terminée.
Dans ce contexte, l’étrange discrétion des évêques à la veille du second tour, où Marine Le Pen affronte Emmanuel Macron, interroge. Alors que des responsables protestants, juifs et musulmans mettent en garde contre l’extrême droite, la Conférence épiscopale française (CEF) se contente d’inviter à voter « en conscience, à la lumière de l’Évangile et de la doctrine sociale de l’Église », comme si c’était la assiégé à l’arrière.
Contraste avec les positions précédentes
Certes, M. Eric de Moulin-Beaufort, président du CEF, a été plus explicite dans son discours du 8 avril, regrettant que « l’État et notre société [aient] Il cite également le cardinal Jules Saliège, archevêque de Toulouse sous le régime de Vichy, connu pour sa lettre de 1942, dans laquelle il condamnait publiquement la persécution des juifs : « Les étrangers sont des hommes, les étrangers sont des femmes, écrit-il. Ce sont nos frères comme beaucoup autres.”
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Si les circonstances actuelles ne sont clairement pas comparables, des formules aussi fortes seraient les bienvenues, alors que Marine Le Pen porte explicitement un projet visant à expulser les étrangers et à institutionnaliser la discrimination. Certes, une vingtaine d’associations chrétiennes engagées dans l’action sociale ou la coopération internationale ont été plus claires que les évêques en réaffirmant leur volonté de « vivre dans une société qui respecte les droits fondamentaux de tous, y compris des étrangers », et en appelant à éviter le pire « en hors « abstentions et votes nuls ».
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Dans notre société laïque, il n’est pas question que des représentants de secte donnent des instructions pour voter. Le pouvoir prescriptif de l’Église catholique, secouée par le scandale des violences sexuelles dans ses rangs, sera également limité. Même lors du précédent duel Macron-Le Pen en 2017, le message des évêques était flou. Mais cette timidité contraste avec la clarté des positions antérieures. Dans les années 1990, les évêques rappellent « l’incompatibilité [des thèses du Front national] avec les enseignements de l’Église. » En 2002, ils ont appelé à « s’opposer à la peur, à la haine et au mépris ».
L’Église catholique n’hésite pas à publier et à défendre ses opinions tranchées sur des sujets tels que le mariage homosexuel, la gestation pour autrui ou l’euthanasie. Il serait incompréhensible de ne pas le préciser à un moment crucial où les valeurs d’égalité, de respect et de tolérance qui fondent notre société peuvent être remises en cause.
Le monde
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