Suivez votre flux en avril : le nombre d’utilisateurs de BeReal a considérablement augmenté en Amérique du Nord et en Europe ces dernières semaines. Lancée en 2020, naviguant entre le scepticisme et l’excitation des ados, cette plateforme bien particulière, qui mise sur la spontanéité, poursuit son joyeux périple, mais encore timidement au Québec. Feu de paille précoce ou baptême du feu tardif ? Décryptage avec des experts du secteur.
Posté à 18h00
Sylvain Sarazin La Presse
Fondée en France, où elle rencontre un grand succès, BeReal se démarque par son mode de fonctionnement, qui contredit Instagram et ses photos léchées : une fois par jour les utilisateurs reçoivent une notification les invitant à prendre une photo lumineuse, pendant les deux prochaines minutes, une photo simultanée double photo (avec les lentilles arrière et avant du téléphone) de leur activité actuelle. L’instantané est ensuite diffusé à un cercle d’amis ou publiquement, sans modification ni filtrage. Le but : promouvoir “l’authenticité” du résultat, sans artifices, en contrepoids à la mise en scène d’Instagram ou de TikTok. Si la photo a été prise plus tard, le délai est indiqué dans la publication. BeReal s’adresse avant tout aux jeunes et semble actuellement particulièrement apprécié des étudiants.
Être réel ou ne pas être ?
Connaissant la progression continue, sans coup férir, le réseau s’est développé principalement en France et aux Etats-Unis ces deux dernières années. Avril s’est avéré être un véritable mois de Pâques avec l’explosion des téléchargements d’applications en Amérique du Nord. Au Canada, dès le 16 avril, il était en tête de liste des réseaux sociaux qui ont le plus avancé (principalement dans l’AppStore), selon l’outil statistique SimilarWeb.
-
CAPTURE D’ÉCRAN DE BÉRÉAL
-
CAPTURE D’ÉCRAN DE BÉRÉAL
-
CAPTURE D’ÉCRAN DE BÉRÉAL
1/3
Par contre, le Québec semble être en retard, BeReal a commencé à y nicher l’automne dernier, où il est encore “très embryonnaire”, selon Nina Duque, professeure à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) et spécialiste du numérique adolescent. les pratiques. Dans sa cible personnelle, composée de jeunes de 12 à 16 ans, le nom du réseau était quasiment inconnu. Elle dit également qu’elle se méfie des numéros de téléchargement.
PHOTO FOURNIE PAR NINA DUK
Nina Duque, chargée de cours au Département de communications sociales et publiques de l’UQAM et spécialiste des réseaux sociaux pour adolescents
“Lorsque vous partez de zéro, vous avez toujours une grosse augmentation. La popularité initiale ne signifie pas que l’utilisation se stabilisera. Cependant, BeReal est intéressant et de plus en plus de jeunes voudront le voir […] La découverte des quais se fait, ironie du sort, de bouche à oreille. Une application moins intéressante crée finalement une voie pour elle-même », a-t-elle déclaré.
Si je savais ce qui marcherait ou pas, je serais millionnaire !
Nina Duque, chargée de cours à l’UQAM et spécialiste des pratiques numériques pour adolescents
Un succès durable ?
De son côté, Nelly Brier, consultante en communication numérique et médias sociaux, s’amuse avec l’application depuis plusieurs mois, avec un groupe de proches. Pour expliquer son succès soudain, elle souligne que la popularité des réseaux a tendance à venir par vagues successives. “Certains groupes y font leurs preuves, puis invitent leur réseau et leur micro-communauté, et ainsi de suite”, a-t-elle dit, citant le contexte, à savoir le retour des interactions sociales après la pandémie universitaire, car l’application est très populaire auprès des étudiants.
Une vague qui finira par déferler sur la province de Bell ?
Je pense que ça va devenir populaire au Québec, ça va devenir une alternative intéressante pour les adolescents. Des groupes de jeunes seront certainement postés sur BeReal pour garder le contact alors que leurs parents n’acceptent pas d’être sur Instagram ou Facebook.
Nelly Brier, consultante en communication digitale et réseaux sociaux
A première vue, on gratte un peu sur la pertinence de l’application. En consultant le fil des photos publiques, on tombe sur des photos de postes de travail ou de rues grisâtres couvertes de visages d’inconnus. En fait, l’application offre tout son potentiel lorsqu’un groupe d’amis se présente pour jouer à un jeu photo spontané, explique Nelly Brier : “Quand on connaît les utilisateurs et qu’on tient à eux, c’est intéressant. »
Quelles qualités peuvent expliquer son succès grandissant ? “Instagram propose beaucoup d’images raffinées, artificielles ou commerciales et les jeunes fuient cela”, a déclaré Mme Duque. BeReal propose une option plus authentique, qui répond aux attentes et aux pratiques des jeunes. »
PHOTO FOURNIE PAR NELLIE BRIÈRE
Nelly Brier, consultante en communication digitale et réseaux sociaux
Mme Brier confirme que répondre à un besoin que seul Snapchat comble plus ou moins semble plus sûr (moins de risque de se faire approcher par des inconnus mal intentionnés), tout en insistant sur le côté innovant de la synchronicité des interactions. “Lorsque vous publiez, vos amis publient avec vous, ce qui crée une rencontre spontanée”, dit-elle. De plus, la mise en scène n’est pas possible. »
Parmi les lacunes, le consultant lui reproche des bugs, tandis que les deux experts brandissent les fonctionnalités très limitées de l’application, où en plus de publier une photo une fois par jour, peu d’outils sont proposés. De plus, selon eux, un problème clé pour lui est de se construire durablement une place dans le décor numérique. “Il y a un intérêt ponctuel, mais très peu sur le long terme, à moins que l’application ne développe d’autres possibilités”, précise Nina Duque. Les jeunes veulent un comptoir où ils peuvent s’amuser, discuter, faire des découvertes, etc. BeReal s’est adressé aux jeunes, avec exactement ce qu’ils recherchent : de l’authenticité. Si cette popularité devient un usage intégré et stabilisé au sein de l’écosystème des jeunes, c’est bien pour longtemps. Mais avec ce qu’il propose en ce moment, il ne détrônera jamais les usages actuels et risque de rester un simple effet de mode. »
Selon Nelly Brier, en développant davantage d’outils, la plateforme pourra s’implanter durablement sur nos écrans… “jusqu’à ce qu’elle soit copiée ou rachetée par un géant, comme c’est souvent le cas”, dit-elle.
Add Comment