Dans un supermarché à Paris, le 5 avril 2022, le chemin de l’huile de tournesol est vide. THOMAS COEX / AFP
C’est l’un des effets de la guerre en Ukraine : les prix de l’huile de tournesol augmentent et disparaissent des rayons des supermarchés. L’Ukraine, qui représente 50 % de la production mondiale, est incapable d’exporter depuis l’invasion russe : ses ports sont bloqués et, selon Kiev, les routes et les voies ferrées permettent moins d’un demi-million de tonnes de marchandises par mois, principalement des céréales, dix moins qu’avant le conflit.
De son côté, la Russie, qui exporte 28% de l’huile de tournesol mondiale, vient d’instaurer un quota pour les ventes à l’étranger de ce précieux liquide après avoir relevé les taxes à l’exportation de 20% début avril.
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« Raid pétrolier »
Dans les rayons des grandes surfaces françaises, les consommateurs affluent vers les précieuses bouteilles dont le prix se rapproche désormais de celui de l’huile d’olive. Des dizaines de posts sur Twitter font penser à des rayons pillés, et certains tentent de pallier la pénurie avec facilité, proposant de remplacer “une bouteille d’huile de tournesol de 5 litres par Switch Oled” et une “bouteille de tournesol par Audi A3”.
A Toulouse, les restaurateurs ont accumulé des réserves, note L’Opinion Indépendante. A Amiens, le grossiste Metro a décidé de limiter les ventes des restaurateurs, rapporte France Bleu. L’Est républicain marque aussi une “attaque contre l’huile de tournesol” dans les supermarchés frontaliers. “En Moselle, écrit le journal régional, de nombreux Allemands viennent s’approvisionner. Résultat : les rayons sont vides. »
Du 21 février au 27 mars, pour le beurre, la farine et les pâtes “le nombre de ruptures dans la grande distribution (hors discounters Lidl ou Aldi) a augmenté de manière plus ou moins significative”, de 37% pour les huiles, respectivement de 26% pour la farine et de 21% pour des pâtes, expliquait début avril à l’Agence France-Presse (AFP) Nicolas Léger, directeur analytique chez NielsenIQ, le panel de référence des ventes en grande surface.
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Les consommateurs ne sont pas les seuls à trinquer. Les industriels de l’agroalimentaire, gros consommateurs d’huile de tournesol – elle est utilisée dans de nombreux aliments comme les frites, les chips, les sauces, les biscuits, les petits pots, les margarines, les plats cuisinés, le pesto, le poisson pané – doivent la remplacer par des ingrédients de substitution comme par ex. huile de colza, huile de palme. Et ils veulent des exceptions pour vendre ces produits révisés sans changer les étiquettes. L’association de consommateurs Foodwatch alerte sur le risque que la crise serve d’alibi pour reformuler tranquillement.
Comportement douteux des consommateurs
Pourtant, il n’y a pas de risque de pénurie à court terme, pas plus pour le pétrole que pour les autres produits, assurait début avril Michel-Edouard Leclerc, président du Comité stratégique E. Leclerc, sur BFM-TV, s’interrogeant sur les comportements des consommateurs :
“En France aujourd’hui, la consommation quotidienne ne manque pas et il n’y en aura pas jusqu’à l’été. Des pâtes, il y en a. Nos stocks d’huile de tournesol sont jusqu’en juin. Les consommateurs commencent à s’accumuler, ce sont eux qui font que les rayons ne se remplissent pas. La France est presque autosuffisante, sauf pour l’alimentation animale. »
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“Il y a plusieurs achats de précaution concernant l’huile de tournesol, mais nous ne sommes pas en pénurie totale d’approvisionnement”, a déclaré le chef de System U, Dominic Schelcher, au micro de Radio Classic. “Les gens s’approvisionnent et cela peut vider les étagères en ce moment, mais il y aura à nouveau des marchandises. Toutes les marques ne sont pas obligatoires, mais il y aura des produits, pas de panique. »
“On le dit et on le répète pour ne pas avoir à s’inquiéter des pénuries, mais en parler attire l’attention de certains consommateurs qui achètent trois litres d’huile au lieu d’acheter un litre”, a déclaré Thierry Desouche, un porte-parole. pour Système U. AFP. “Cependant, la chaîne d’approvisionnement est dimensionnée pour un certain volume et si ce dernier est multiplié, il risque d’être épuisé” lorsqu’il n’y a pas de problème de stocks.
“Il n’y aura pas de problème d’approvisionnement si les Français restent dans un mode d’achat raisonné”, a déclaré Fabien Razak, directeur marketing de Lesieur, à LSA, rappelant que les huiles (Lesieur, Isio 4, Cœur de tournesol) du groupe Avril sont à maturité. ., pressé et embouteillé en France.
Incertitudes de production après l’été
Cependant, la pénurie peut se faire sentir après l’été. Fin mars, Mykola Solski, ministre ukrainien de l’agriculture, estimait que l’invasion russe risquait de réduire de moitié la prochaine récolte de céréales. Les Ukrainiens « sèmeront là où c’est possible », mais seuls « 50 % à 75 % du territoire » pourront être exploités, a souligné Nikola Solski, qui a également précisé que de nombreux agriculteurs ont « rejoint l’armée ou la défense territoriale ». pénuries.
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Les semis ont bien démarré en Ukraine, mais si les volumes de tournesol ne sont pas disponibles, “ce sera un problème pour l’huile de tournesol et l’industrie agro-alimentaire”, reconnaît Thierry Desush (Système U). Même si elles sont semées, les marchandises devront être exportées d’un pays qui est actuellement coupé des routes commerciales. L’incertitude peut encore augmenter la tentation d’acheter une protection.
Les semis de tournesol ont commencé ce matin dans cette ferme en Ukraine, près du site des combats, un tracteur Dr.… https://t.co/E0OiMEhx9u
—GreenSquareAC (@Mike Lee)
Par conséquent, tous les regards sont tournés vers l’Europe, où la campagne de semis de tournesol a commencé. En France, premier producteur d’oléagineux de l’Union européenne, des agriculteurs ont répondu à l’appel et publié, comme Jean Decombert ou David Forge, agriculteurs de Saône-et-Loire et d’Endre-et-Loire, des tweets.
Et en l’absence d’huile de tournesol, les consommateurs pourront revenir au colza : comme le note France Bleu, la surface doit augmenter – de 18 % par rapport à 2021, à 1,2 million d’hectares, selon le ministère de l’Agriculture.
Le monde avec l’AFP
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