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Kirby 30 ans : la folle histoire derrière le nom de la mascotte de Nintendo

Si la petite boule rose de Nintendo a repris une seconde jeunesse avec la sortie de Kirby et le monde oublié sur la Nintendo Switch, elle n’est pas toute jeune. Il y a 30 ans, le jour où sortait le premier volet de ses aventures au Japon : Kirby’s Dream Land. C’est donc une date symbolique pour notre petite mascotte qui traverse une étape importante. Et pour fêter ça, on vous propose de revenir sur l’incroyable histoire derrière un élément fondamental : le choix du nom Kirby.

Résumé

  • John Kirby : Donkey Kong contre King Kong
  • Une légende urbaine ?
  • Nintendo a l’habitude de respecter

John Kirby : Donkey Kong contre King Kong

Vous connaissez Kirby, mais connaissez-vous John Kirby ? À moins que vous ne compreniez cette petite histoire, c’est peu probable. Il faut dire que cet avocat américain, décédé récemment, a eu une carrière plutôt classique quoique prestigieuse. Récipiendaire de la bourse Rhodes, il a obtenu deux diplômes de la célèbre université d’Oxford avant de devenir docteur en droit et de devenir avocat. Dans ses premières années, il se spécialise dans les droits civiques et étudie notamment la question de la discrimination dans le vote subie par les Afro-Américains. Mais dans les années 1980, John Kirby décide de se tourner vers les affaires et la propriété intellectuelle. Dans ce cadre, il protégera notamment Pepsi, General Food et Nintendo.

Vous pouvez imaginer que nous nous intéressons particulièrement à ce dernier. En 1982, l’avocat croise la route du géant du jeu vidéo. La raison ? Un étui du jeu phare de Nintendo : Donkey Kong. Sorti en 1981, ce jeu d’arcade est un véritable jalon dans l’histoire de la société japonaise. C’est le premier gros jeu de l’emblématique Shigeru Miyamoto, la première apparition de Donkey Kong, mais aussi Mario et le premier grand succès de Nintendo, poussant l’entreprise à se développer (Nintendo of America) et à prendre sa place dans l’industrie. Un grand nom du jeu vidéo, qui pourrait connaître un destin tragique, car la nature même de son protagoniste posait problème à une autre entreprise non moins importante : Universal Studios.

En 1982, la société se tourne vers Nintendo et d’autres (dont le fabricant Coleco) pour un ultimatum : ils ont 48 heures pour arrêter de vendre Donkey Kong et livrer tous les exemplaires d’Universal. La raison ? Selon eux, la société japonaise a plagié le film King Kong, que ce soit au niveau du titre de leur jeu, de ses personnages ou de son histoire. Si Coleco adopte rapidement un accord, faisant ainsi économiser 3% de ses revenus à Universal (4,6 millions de dollars), Nintendo ne compte pas le lâcher si facilement.

L’affaire est devant les tribunaux. L’avocat d’Universal affirme que le titre du jeu ressemble à celui du film King Kong. D’ailleurs, l’intrigue n’est pas vraiment différente : un singe maléfique enlève une jeune femme et un héros bon qui doit escalader une structure pour la sauver. Des arguments qui s’accordent, mais qui sont tout de même rejetés par la demande de John Kirby, dont Nintendo a décidé de payer des services pour l’affaire. Outre les différences entre les deux œuvres, l’avocat pointe spécifiquement une vieille affaire opposant RKO Pictures d’Universal (qui a produit le film de 1933 King Kong). En 1975, cette décision de justice déclarait que l’histoire de King Kong et de ses héros était devenue publique, c’est-à-dire. aucune entreprise privée ne peut revendiquer les droits. Arbitrage, qui convenait bien à Universal à l’époque mais échoua en 1982. Perdant ainsi le procès, la société américaine fut notamment contrainte de payer des intérêts compensatoires.

Les deux propriétés n’ont rien en commun sauf un gorille, un captif, un sauveteur mâle et une histoire avec un monument à escalader. {…} Les noms Kong et King Kong sont largement utilisés par le grand public et sont associés à des singes et autres objets de taille énorme.

Extrait du jugement prononcé en octobre 1984

A noter qu’Universal a fait appel de cette décision à deux reprises. Le studio cherche notamment à démontrer qu’une confusion entre King Kong et Donkey Kong peut surgir dans l’esprit de l’utilisateur. Dans son livre The Winner’s Book of Video Games, Craig Cuby, par exemple, décrit le jeu comme suit : « Donkey Kong est une version vidéo du film classique King Kong ». Mais rien n’y fait, l’argument de John Kirby séduit à nouveau le tribunal, qui confirme le verdict. Un coup dur pour Universal qui, en plus de subir une défaite majeure, s’est avéré payer de gros dégâts.

Pour Nintendo, c’est la dédicace. La société japonaise peut non seulement continuer à utiliser son titre phare, mais également prouver qu’elle peut rivaliser avec des géants de l’industrie du divertissement tels qu’Universal. Autant dire que Big N a de quoi remercier celui qui, malgré des accusations difficiles à contrer, a permis cette victoire : John Kirby. L’avocat se voit offrir un voilier d’une valeur de 30 000 dollars et portant le doux nom de Donkey Kong. Mais ce n’est pas tout! En parallèle de cette histoire, Nintendo réfléchit vraiment à une nouvelle licence, plus accessible et large public, que la société a confiée au célèbre Masahiro Sakurai, membre du studio du Laboratoire HAL. Et lors du choix de son nom, celui de l’avocat a été choisi. Le jeu est sorti le 27 avril 1992. C’était Kirby’s Dream Land.

Une légende urbaine ?

Cette belle histoire, que certains connaissent peut-être, s’est nuancée au fil des années. Non, Kirby n’est pas le fruit d’une volonté manifeste de créer un nouveau personnage en l’honneur de l’avocat. Notre petite boule rose avait même déjà un nom : Twinkle Popopo. Mais Nintendo a décidé que ce petit nom de famille ne parlerait qu’aux japonais. Dans sa volonté de faire de sa nouvelle licence un succès international, et surtout américain, Nintendo of America s’est chargé de fournir une liste de noms qui pourraient coller à cette nouvelle figure du jeu vidéo. Parmi les dix premiers noms suggérés, deux ont attiré l’attention de Sakurai : Gasper et Kirby.

Nous avions une liste de noms, et Kirby était l’un des noms sur la liste. En étudiant cette liste et en essayant de la réduire, nous avons vu que Kirby était là et nous nous sommes souvenus que le nom de John Kirby était Kirby. Nous avons donc commencé à penser que si ces deux-là ont une relation, ça va être plutôt amusant.

Interview de Shigeru Miyamoto pour Game Informer en 2011

Face à ces deux possibilités, Sakurai et Miyamoto ont d’abord souligné l’aspect comique de cette coïncidence. Mais surtout, ce mépris des codes japonais a conduit les deux hommes à choisir Kirby. Selon Miyamoto, toujours pour Game Informer, l’aspect rauque de ce nom contraste tellement avec le plus doux de cette petite créature qu’ils l’ont trouvé drôle et ont décidé de le choisir.

Si, sans aucun doute, grâce à John Kirby, ce nom s’est retrouvé sur cette liste et a donc finalement été choisi, notre petite boule rose n’a rien à voir avec un remerciement ou un hommage à l’avocat. Au final, des frais supers et un voilier à 30 000$, ça ne suffit plus ?

Nintendo a l’habitude de respecter

Si pendant longtemps le choix du nom Kirby a été compris comme un hommage, c’est parce que Nintendo a l’habitude que nous nommions nos personnages d’après des personnes existantes. Le nom de l’héroïne de Metroid, Samus Aran, est un hommage au footballeur Pelé, par exemple. Le fan de football Hiroji Kiyotake a confirmé qu’il souhaitait s’inspirer du vrai nom de cette star du football, à savoir Edson Arantes do Nascimento. Mais qui sait comment, la créatrice de personnages pensait que son prénom était Samus, pas Edson. Voici comment Metroid s’est avéré être une héroïne nommée Samus Aran.

Rebelote pour Mario, qui a pris le prénom du magnat de l’immobilier : Mario Segale. Dans les années 1980, Nintendo fait appel à lui pour louer des locaux pour sa division Nintendo of America. Mais à l’époque, l’entreprise n’était pas aussi florissante qu’aujourd’hui et l’entreprise était un peu en retard en termes de loyers. Alors que les officiers envisagent de trouver un nouveau nom pour leur petit Jumpman, Mario Segale entre dans la pièce pour réclamer méchamment son argent. Minoru Arakawa, président de Nintendo of America, et son équipe ne se sont apparemment pas opposés à lui et ont décidé que Mario était le nom parfait pour quiconque deviendrait leur mascotte emblématique.

Dans un sens, on peut dire que j’attends toujours mes honoraires.

Mario Segale pour le Seattle Times, 1993

Et puisqu’on parle des noms des mascottes de Nintendo, on ne peut pas vous laisser sans évoquer l’affaire Bowser. Niveau origine, il n’y a pas grand chose à se mettre sous la dent, si ce n’est que son nom japonais (Koopa) vient du plat coréen Kupa, que Shigeru Miyamoto et Takashi Tezuka n’ont cessé de manger durant le processus de création. La chose intéressante à propos de ce nom est que nous pouvons voir l’effet inverse. En 2015, Doug Bowser a rejoint Nintendo en tant que vice-président des ventes et du marketing. Si la personne possède toutes les compétences nécessaires pour le poste, son nom a bien sûr attiré l’attention des locataires et peut même avoir joué en sa faveur. Quoi qu’il en soit, Nintendo a fait preuve d’humour dans …