Meeting de Marin Le Pen, candidat d’extrême droite à la présidentielle, à Avignon, le 14 avril 2022. AGNES DERBEIS
Les arguments juridiques ne pèsent certes pas lourd dans une campagne électorale, mais si Marine Le Pen est élue présidente de la république, elle devra les combattre. D’ailleurs, le point est crucial : la candidate du Rassemblement national, dès son arrivée à l’Elysée, entend réviser la Constitution pour instaurer une “priorité nationale” et économiser “16 milliards d’euros” de services aux étrangers – plutôt 6 milliards en fait, selon nos informations. S’il n’impose pas son référendum, il pourrait y avoir un trou dans son budget. Or, ce référendum est clairement inconstitutionnel, et passer par la force, selon plusieurs juristes, serait un “coup d’État constitutionnel”.
Le projet de loi sur le référendum sur la priorité nationale, déjà lié et annoncé, est en effet inconstitutionnel : il se heurte à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, au préambule de la Constitution de 1946 (qui font partie du bloc ) de constitutionnalité) et contredit au moins six articles principaux de notre Loi fondamentale. Marine Le Pen ne dit pas le contraire et entend donc changer la Constitution.
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Évidemment possible. Il y a eu 19 changements constitutionnels sous la Ve République, mais la procédure prévue à l’article 89 est lourde – et heureusement. “Il suffit de le toucher d’une main tremblante”, a déclaré Montesquieu. L’Assemblée nationale et le Sénat doivent d’abord voter le projet de révision dans les mêmes conditions. Ensuite, les deux chambres réunies en Congrès doivent voter à la majorité des trois cinquièmes, faute de quoi le projet de loi doit être voté par référendum – ce n’était qu’une seule fois, en 2000, pour réduire le mandat présidentiel à cinq ans.
Un sérieux obstacle
Ce référendum, prévu à l’article 89, n’est pas accessible à Marine Le Pen. Même s’il obtient la majorité à l’Assemblée, le Sénat ne votera jamais un texte compatible – les Républicains comptent 146 députés sur 348, et Marin Le Pen a perdu son unique sénateur au profit d’Eric Zemmour. Un autre référendum subsiste à l’article 11. Le général de Gaulle l’a utilisé à deux reprises, en 1962 pour faire élire le président de la république au suffrage universel, puis en 1969 pour imposer une réforme du Sénat. L’échec du second a entraîné sa démission : le référendum a toujours une dimension plébiscitaire.
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La manœuvre de 1962 a également suscité l’indignation. Gaston Monnerville, président du Sénat et au départ plus nu, a évoqué la “prise de pouvoir” du Premier ministre Georges Pompidou, qui a signé le projet de loi. « Refus » est un mot terrible pour un élu, qui dénote le crime d’un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions.
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