Elle l’assure : elle a changé. Marquée par le débat entre les tours ratés de 2017, où elle semblait incertaine dans ses calculs, Marine Le Pen a revu sa copie en 2022. Quitter l’Union européenne ou prendre sa retraite à 60 ans pour tous. Cette fois, la candidate du Rassemblement national à l’élection présidentielle s’appuie sur ses propositions de pouvoir d’achat… et sur un programme qu’elle revendique équilibré. qu’est-ce que c’est exactement Franceinfo décrypte ses propositions.
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Le principe du patriotisme économique
La pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine nous ont rappelé que les travers de la mondialisation, avec pénuries, retards, hausse des prix… C’est pourquoi Marine Le Pen propose d’introduire “le patriotisme économique” et le “localisme” pour la réindustrialisation et la production de richesses Interrogé par franceinfo, son directeur de cabinet, Reno Labay, a reconnu qu'”on ne peut pas tout déplacer. Une valeur ajoutée”. Un projet très similaire… à celui de France Relance, créé par Emmanuel Macron en 2020. la volonté de délocaliser les secteurs stratégiques était une bonne idée », reconnaît Reno Labaye. Cependant, il estime que le 1 milliard d’euros alloué par le gouvernement pour encourager la délocalisation est « trop faible ».
La délocalisation de Lepenist aura-t-elle lieu uniquement à l’intérieur de nos frontières, sans tenir compte de nos voisins européens ? Impossible, selon Anne-Sophie Alsif, chef économiste chez BDO France, cabinet de conseil en économie. D’une part, parce que « la France est un tout petit marché, moins attractif pour les entreprises de l’Union européenne ». D’autre part, parce que “des chaînes de valeur existent déjà au niveau européen”, avec une décomposition des différentes étapes de production, selon l’efficacité économique de chaque pays et les compétences qui y sont disponibles. Une production entièrement sur notre territoire engendrerait des coûts beaucoup plus élevés, et donc un prix plus élevé pour le consommateur. “Des relations avec d’autres pays de l’UE seront possibles”, a déclaré la conseillère du candidat RN, qui a néanmoins estimé qu’en cassant le cercle vicieux des délocalisations – suppressions d’emplois – baisse du pouvoir d’achat – les Français retrouveraient une marge pour acheter des produits qui coûteront une fortune. un peu plus “.
Le candidat RN veut aussi réduire de “cinq milliards d’euros” la contribution de la France au budget de l’Union européenne. Problème : La contribution de chaque Etat membre est déterminée par des règles identiques pendant sept ans. En théorie, la France s’est engagée jusqu’en 2027. Cela n’empêchera pas la candidate, si elle est élue, d’entamer des négociations avant cette date, précise son équipe.Certains pays, comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, ont déjà réussi à obtenir des concessions : un La remise est considérée comme “tout à fait possible” par certains économistes, comme Eulalia Rubio, chercheuse à l’Institut Jacques-Delors, sollicitée par TF1. En revanche, il lui semble “impossible” d’avoir la taille que RN espère. Mais si la France ne s’acquitte pas de toutes les cotisations dues, elle s’exposera à des poursuites et à des sanctions, y compris la cessation des généreuses subventions de la politique agricole commune (PAC), largement utilisées par les agriculteurs français.
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Le patriotisme économique de Marin Le Pen ne s’arrête pas là. Le candidat d’extrême droite veut instaurer une “priorité nationale” dans l’accès aux marchés publics. Mais la mesure violerait le droit européen de la concurrence, selon la Fondation Terra Nova, qualifiée de proche du centre-gauche. Cette décision entraînera “une hausse des prix d’abord pour les pouvoirs publics puis pour le contribuable ou le consommateur”, selon le think tank.
Mesures du pouvoir d’achat
La campagne de Marin Le Pen a largement tourné autour de sa promesse de redonner du pouvoir d’achat aux « oubliés » du quinquennat d’Emmanuel Macron. Pourtant, son programme multiplie les propositions qui profitent au portefeuille des plus riches, au moins autant qu’à celui de la classe ouvrière.
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Ainsi, le demandeur s’engage à “réduire la TVA de 20% à 5,5%” sur les produits énergétiques, notamment les carburants. Cela équivaudrait à “subventionner des ménages aisés gros consommateurs de carburant parce qu’ils disposent de gros véhicules”, explique Mathieu Plaine, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). De même, une réduction de 15 % des péages profitera à tous les conducteurs. “L’autoroute est généralement utilisée pour les longs trajets (…) et moins souvent pour les déplacements quotidiens comme les devoirs”, a expliqué Terra Nova.
Contrairement à nombre de ses concurrentes qui ont choisi de relever le Smic pour améliorer le pouvoir d’achat des salariés les plus précaires, Marin Le Pen veut inciter les entreprises à augmenter les salaires de 10 % en dessous de trois fois le Smic (4 947 € brut, soit plus supérieur à 1760 EUR au-dessus du salaire moyen), exonérant cette augmentation des charges patronales. Mais l’Institut Montaigne, un groupe de réflexion libéral, estime que la libération aurait un effet non voulu : elle profiterait aux entreprises qui ont déjà prévu d’augmenter les salaires sans entraîner de nouvelles augmentations.
Que diriez-vous de la suppression de la TVA sur “des centaines de biens essentiels (… tant que l’inflation est supérieure d’un point à la croissance”) ? En théorie, cela pourrait alléger le budget des plus modestes comme des plus riches, mais il est difficile d’estimer le bénéfice pour les consommateurs, tant la liste des produits concernés n’est pas finalisée. Marin Le Pen a pointé sur BFMTV “du sel, du poivre, de l’huile, de la pâte, des serviettes hygiéniques, des couches”. Cependant, la plupart de ces articles bénéficient déjà d’une TVA de 5,5 %. L’efficacité de cette mesure dépendra aussi du “comportement des producteurs” et des distributeurs, qui pourraient profiter de la suppression des taxes pour augmenter leurs prix, a indiqué Bryce Fabre, économiste à l’Institute for Public Policy. Dans ce cas, Marine Le Pen pourrait recourir au blocage des prix, assure son directeur de cabinet.
Une fiscalité en faveur des plus riches
Là aussi, la politique budgétaire du programme de Marin Le Pen profiterait aux plus riches et aux entreprises. Ainsi, le demandeur propose une exonération d’impôt sur le revenu pour tous les jeunes actifs jusqu’à 30 ans, afin qu’ils “restent en France et fondent une famille avec nous”. En fait, cette mesure s’appliquera principalement aux jeunes les plus riches. Avec un revenu moyen de 7 490 € par an, la plupart des 18-25 ans ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu. Quant aux personnes âgées de 26 à 30 ans, leurs revenus (16.220 euros en moyenne) “les exposent à une pression fiscale très faible dans la plupart des cas”, précise le think tank Terra Nova. “Là où le jeune précaire ne gagnera presque rien, le jeune PDG diplômé récoltera plusieurs milliers d’euros et l’Etat perdra quelques milliards supplémentaires.”
Les donations aux plus riches s’appliqueront également aux droits de succession. Marin Le Pen souhaite remplacer la taxe foncière (IFI) par un impôt sur la fortune financière, dont la résidence principale sera exonérée. Une mesure qui va “protéger la classe moyenne qui adhère parfois à l’ISF [prédécesseur de l’IFI] en raison de la simple évaluation de la succession du patrimoine immobilier familial”, a assuré le candidat au Parisien. Autrement dit, un Français dont le patrimoine immobilier consiste en une résidence principale d’une valeur de 1,7 million d’euros ne paie pas d’impôt sur cette dernière.
Le demandeur envisage également de réduire les droits de succession. “Une mallette cadeau vide”, selon Terra Nova. Et pour cause : comme toute réforme du droit des successions, celle-ci touche majoritairement les Français les plus riches. “85 à 90% des successions directes (d’un parent d’enfant) sont exonérées d’impôts”, a déclaré à franceinfo l’économiste Clément Derbecourt.
Le financement est probablement sous-estimé
Critiqué sur la faisabilité de son programme économique, Marine Le Pen a publié un document sur les dépenses détaillant comment elle équilibrerait son budget. Mais ses explications sont loin de convaincre les économistes, qui estiment pour beaucoup que le coût des mesures envisagées est largement sous-estimé. Ainsi, l’institut Montaigne estime le coût à 119,6 milliards d’euros, loin des prévisions de 68,3 milliards. Selon les économistes, certaines des mesures définies comme “sans implication budgétaire” auraient aussi des coûts réels pour l’Etat. “Ce n’est pas un compte de finances, c’est un arrêté de mesures”, justifie-t-il…
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