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« Sagrada Familia, le défi de Gaudi », par Arte : basilique édifiante

Plafond de la nef de la Sagrada Familia, de Gaudi, à Barcelone. PROGRAMMES GÉDÉON

ARTE – 16 AVRIL, samedi, 20h50 – DOCUMENTAIRE

L’emblématique basilique de Barcelone, la Sagrada Familia, entre dans sa 140e année de construction. Même si ce n’est pas un record (le York Minister, outre-Manche, a été construit en plus de deux siècles et demi), la durée est aussi impressionnante que l’édifice. L’amas vertical de colonnes hérissées, l’extérieur n’évoque ni la lumière intérieure de ses vaisseaux successifs, ni la forêt de fines colonnes d’appui, ni la modernité de ses décors floraux.

Depuis plus d’un siècle, des générations de visiteurs, d’historiens et de professionnels se sont interrogés sur la structure de l’édifice, à la frontière des règles architecturales et du bon goût, érigé par Anthony Gaudí (1852-1926) – relancé en 1883 par le projet, inventé puis abandonné par Francisco de Paula del Villar et Lozano (1828-1901). Alors que l’exposition du musée d’Orsay consacrée à l’artiste catalan s’est ouverte du 12 avril à Paris jusqu’au 17 juillet, le réalisateur Marc Jampolski a apporté quelques éléments de réponse.

Car cette fois c’est promis : La Sagrada Familia est presque terminée. Pas comme prévu en 2026, année du centenaire de la mort de son créateur – les prisons ont occasionné des retards – mais “bientôt”. Le 8 décembre 2021, la 9ème tour (sur 18), dite la Vierge Marie, a été inaugurée. L’installation de son étoile de verre à douze branches ouvre le film, conçu sous la forme d’une structure symbolique : centrée sur ce que Gaudi appelait le Temple, mais permettant divers développements avant de revenir à son thème central.

La vision de la commune

Le développement social, sur la vision commune qui unit l’industriel Eusebi Guell (1846-1918) et Anthony Gaudi, et sur les réalisations qui les ont inspirés, comme la Colonie de Guell, le Palais de Guell et le Parc Guell. Développement des minéraux lors d’une agréable promenade dans le lieu inspirant du monastère et du Parc Naturel de Montserrat, à 50 km de Barcelone. Les développements historiques aussi, avec la révolte de 1909 notamment, qui finira par convaincre le pieux Gaudi que la Sagrada Familia doit être le temple rédempteur d’une Barcelone violente.

Pour alimenter sa réflexion, les scènes fictives sous-titrées dans leur version originale ont été tournées dans le décor simulé de l’atelier de Gaudí, qui a brûlé en 1936. Ici, il est reconstitué en 3D à l’aide d’un procédé photogrammétrique, trop détaillé pendant la série. Le plus passionnant reste cependant purement architectural avec l’explication, à partir de maquettes et d’albums publiés depuis 1917, sur le principe de colonnes inclinées selon l’axe de force, disposées en arcs de chaîne et rendues autoportantes.

Le pouvoir est avec Gaudi. Mais pas toujours avec ses successeurs, qui trébucheront pendant quinze ans dans ce vaisseau, culminant à 65 mètres sans étais extérieurs, avant de formaliser les trois principes utilisés : la rotation hyperboloïde des lames, le paraboloïde hyperbolique, et le plan triangulaire. Les étudiants en architecture apprécieront. Des héritiers passionnés, comme le sculpteur japonais Etsuro Sotoo, engagé depuis 1978 pour réaliser trois portes et six statues, et qui s’est converti au catholicisme pour se plonger dans son sujet et achever la façade de la Nativité en 2015.

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Prochaine étape, les six tours centrales en phase d’achèvement, qui sont en grande partie financées par les billets de 5 millions de visiteurs annuels (avant la crise du Covid-19). Et l’envie insidieuse d’un week-end dans la capitale catalane freine…

Sagrada Família, le défi de Gaudí, de Mark Jampolski (fr., 2022, 90 minutes).

Catherine Pacari