Logo de Meta au siège de l’entreprise à Menlo Park, Californie, le 28 octobre 2021 (Getty / JUSTIN SULLIVAN)
Mieux vaut lutter contre les appels au meurtre, les images pédophiles, les campagnes de désinformation ou les produits contrefaits… L’UE a signé samedi une nouvelle législation “historique” pour mettre de l’ordre dans le Far West sur Internet.
Le texte, discuté depuis près d’un an et demi, devrait responsabiliser les très grosses plateformes numériques comme Facebook (Meta) ou Amazon, les obligeant à supprimer les contenus illégaux et à coopérer avec les autorités.
“Cet accord est historique”, a déclaré sur Twitter la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, “nos nouvelles règles protégeront les consommateurs en ligne, garantiront la liberté d’expression et les opportunités commerciales”.
La loi sur les services numériques (DSA) est l’un des deux volets d’un grand plan présenté en décembre 2020 par la commissaire à la concurrence Margrethe Vestager et son homologue du marché intérieur, Thierry Breton.
Le premier volet, le Digital Markets Act (DMA), qui traite des pratiques anticoncurrentielles, a été finalisé fin mars.
La DSA, de son côté, met à jour la directive e-commerce, née il y a 20 ans alors que les plateformes géantes étaient encore embryonnaires. Objectif : mettre fin aux zones d’anarchie et d’abus sur Internet.
Les dérives des réseaux sociaux font souvent la une des journaux. L’assassinat du professeur d’histoire Samuel Patti en France après une campagne de haine en octobre 2020, un attentat de manifestants contre le Capitole aux États-Unis en janvier 2021, en partie planifié grâce à Facebook et Twitter…
Drapeaux de l’UE à Bruxelles, le 23 septembre 2021 (AFP / Kenzo TRIBOUILLARD)
Le côté obscur d’Internet s’applique également aux plateformes de vente pleines de produits contrefaits ou défectueux qui peuvent être dangereux, comme les jouets qui ne répondent pas aux normes de sécurité.
Le nouveau règlement prévoit l’obligation de supprimer “en temps voulu” tout contenu illégal (conformément au droit national et européen) dès que la plateforme en a connaissance. Cela oblige les réseaux sociaux à arrêter les utilisateurs qui enfreignent “souvent” la loi.
DSA exigera des sites de vente en ligne qu’ils vérifient l’identité de leurs fournisseurs avant de proposer leurs produits.
Elle interdit les interfaces trompeuses (« dark model ») qui poussent les internautes vers certains paramètres de compte ou certains services payants.
– “Avant qu’il ne soit trop tard” –
Au coeur du projet, de nouveaux engagements imposés aux “très grandes plateformes”, celles qui comptent “plus de 45 millions d’utilisateurs actifs” dans l’UE, soit une vingtaine d’entreprises dont la liste reste à déterminer, mais qui comprendront les Gafam (Google , Apple) , Facebook, Amazon, Microsoft), ainsi que Twitter et peut-être TikTok ou Booking.
Ces acteurs doivent évaluer eux-mêmes les risques liés à l’utilisation de leurs services et mettre en place les moyens appropriés pour éliminer les contenus problématiques. Ils seront amenés à accroître la transparence de leurs données et algorithmes de recommandations.
Logo Google à Berlin, Allemagne, janvier 2019 (AFP / Tobias SCHWARZ)
Elles seront auditées une fois par an par des organismes indépendants et placées sous le contrôle de la Commission européenne, qui pourra infliger des amendes pouvant aller jusqu’à 6% de leur chiffre d’affaires annuel en cas de récidive.
En particulier, la DSA interdit l’utilisation des données d’opinion politique à des fins publicitaires.
Ce texte “est une première mondiale en matière de régulation du numérique”, a déclaré le Conseil de l’UE, qui représente les 27 Etats membres de l’Union, dans un communiqué. Il “consacre le principe selon lequel ce qui est illégal hors ligne doit être illégal et en ligne”.
L’ancienne secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a demandé jeudi soir à l’UE d’adopter cette nouvelle législation pour “soutenir la démocratie mondiale avant qu’il ne soit trop tard”. “Pendant trop longtemps, les plateformes technologiques ont alimenté la désinformation et l’extrémisme sans responsabilité”, a-t-elle déclaré.
“L’Histoire en marche ! Pour la première fois, le public pourra poser des questions indépendantes sur le travail des plateformes”, a déclaré l’informateur américain Francis Haugen, qui a dénoncé la passivité de Facebook face aux désagréments sur ses réseaux sociaux. “Venez aux Etats-Unis, maintenant c’est à nous”, a-t-elle ajouté, estimant que la DSA pourrait devenir une référence pour d’autres pays.
Dans le contexte de la guerre en Ukraine, les législateurs ont ajouté un “mécanisme de réponse aux crises” pour prendre des mesures “proportionnées et efficaces” contre les méga-plateformes qui contribueraient aux campagnes de désinformation, a déclaré le Conseil européen.
De son côté, le lobby CCIA a déclaré samedi qu'”un certain nombre de détails importants” doivent être “clarifiés” afin que “la législation finale permette à toutes les entreprises, grandes et petites, de suivre les règles dans la pratique”.
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